Un oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke
Gros, gros coup de coeur pour ce roman !
Kat a 16 ans et sa mère, femme au foyer dans une banlieue américaine, disparaît du jour au lendemain, la laissant seule avec son père. Femme froide, distante et parfois cruelle, la mère de Kat est un personnage fascinant.
"En vérité, ma mère a disparu vingt ans avant le jour où elle est
réellement partie. Elle s'est installée dans la banlieue avec un mari.
Elle a eu un enfant. Elle a vieilli un peu plus chaque jour - de cette
façon qu'ont les épouses et les mères d'âge moyen d'être de moins en
moins visibles à l'oeil nu. Vous levez peut-être les yeux de votre
magazine quand elle entre dans la salle d'attente du dentiste, mais
elle est en fait transparente."
Kat retrace son enfance où elle était alors "le petit animal de compagnie" de sa mère, le couple qu'elle formait avec son père, son mépris pour cette homme, la distance qui s'établit entre eux. Les mois puis les années passent, sans aucune nouvelle. Kat grandit, vit sa vie, s'affranchit du souvenir de cette mère évaporée et évanescente, jusqu'au jour où ...
L'écriture de Laura Kasischke est extraordinaire. Poète aux USA, son style est empreint d'une délicatesse et d'une pureté incroyables. Tout en restant terre à terre, car le lecteur ne décroche jamais de sa prose limpide, elle manie à la perfection le sens du suspense. J'ai littéralement dévoré ce roman jusqu'à la dernière ligne, sachant déjà qu'il ferait partie de ces quelques livres qu'on a du plaisir à relire, juste pour les savourer.
"J'ai seize ans lorsque ma mère se glisse hors de sa peau par un après-midi glacé de janvier - elle devient un être pur et désincarné, entouré d'atomes brillants comme de microscopiques éclats de diamant, accompagné, peut-être, par le tintement d'une cloche, ou par quelques notes claires de flûte dans le lointain - et disparaît.
Personne ne la voit s'en aller, mais elle est bel et bien partie. (...)
Elle gardait notre maison dans un état de propreté et de stérilité qui aurait pu
rivaliser avec l'esprit de l'hiver lui-même ; alors peut-être a-t-elle
tout simplement fini par s'épousseter elle-même, en un nuage lumineux
qui s'est envolé par la fenêtre de la chambre, un nuage fait d'une
poudre douce comme le talc, qui s'est mélangé avec les flocons qui
tombaient, avec la poussière céleste et les cendres lunaires qui
flottaient au loin"
Le lecteur sent le désastre approcher, le secret sous la façade, les tensions. Tout va crescendo. J'ai vraiment adoré ce livre. Déjà avec "La couronne verte", j'étais très emballée, mais avec celui-ci je n'ai qu'une envie, courir à la librairie acheter l'oeuvre complète de Laura Kasischke (et pourtant j'avais détesté "A moi pour toujours" ...).
A conseiller vivement, mais attention, car après les autres livres semblent vides et fades ...