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Au coin du monde

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26 septembre 2010

La vie devant ses yeux, Laura Kasischke

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Je poursuis mon exploration de l'oeuvre de cette américaine, dont je dévore les livres. Qu'il est exaltant de découvrir un nouvel auteur qu'on se met à adorer ! On se jette avec avidité sur tout ce qu'il a écrit.

Ce roman-ci est, à nouveau, un grand roman, dont a d'ailleurs été tiré un film avec Uma Thurman (que je n'ai pas vu).

L'histoire commence avec deux lycéennes, Diana et son amie Maureen. Elle sont dans les toilettes des filles quant survient une attaque : un élève du lycée se met à tirer sur tout le monde. C'est la panique et bientôt il arrive jusqu'aux deux amies et leur demande laquelle des deux il doit tuer...

Ensuite, nous suivons Diana, la quarantaine, qui se réjouit de sa "vie de rêve" : un mari adoré, une charmante petite fille, une maison en banlieue ... Les jours coulent et la vie est douce, mais peu à peu son quotidien se ternit et est envahit par de petits incidents étranges. Diana est-elle au bord de la folie ? quelqu'un lui veut-il du mal ?

Impossible d'en dévoiler plus sur cette histoire trouble, histoire à tiroirs, qui va crescendo jusqu'à une fin abrupte, qui pousse le lecteur ébahi à réfléchir et à se poser cette question : ai-je été manipulé ? ai-je tout compris ? En général, ça m'énerve, ce genre de questions, ça montre juste que je n'ai rien compris et ça me frustre. J'avoue même avoir eu besoin de farfouiller sur le net, pour avoir des interprétations d'autres lecteurs ou spectateurs du film. Et eux avaient compris ....

Ce roman est magistralement maîtrisé, tout s'emboîte à merveille, l'histoire est passionnante et angoissante et, comme toujours, le style de Laura Kasischke est remarquable. Un roman qui s'inscrit parfaitement dans la logique d'une oeuvre complexe et trouble, peut-être que ce roman-ci est un peu plus "compliqué" que les autres. Mais j'ai adoré !

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16 septembre 2010

Une forme de vie, Amélie Nothomb

amelie_nothomb_une_forme_de_vie_coverAllez, cette année je l'ai lu, le dernier né de notre Amélie. J'ai dévoré tous ses romans pendant des années, jusqu'à "Biographie de la faim", et les suivants ne m'ont plus tentée...

Voici donc le roman d'une correspondance entre Amélie Nothomb et Melvin Mapple, un improbable soldat américain envoyé en Irak, qui lui raconte la vie à la guerre et surtout comment il s'est transformé en obèse en réaction au traumatisme de cette guerre. Bientôt, il en vient à se persuader que son obésité est une forme d'art.

Amélie lui répond et en même temps nous raconte les (véridiques) correspondances qu'elle entretient avec près de deux mille de ses lecteurs, sa vision des relations qui se nouent ainsi.

L'histoire est intéressante, même si l'on se passionne plus pour le point de vue de l'auteur sur la correspondance en elle-même. Court, comme toujours, ce roman se termine "à la Nothomb", pour les initiés. On reconnaît bien là l'auteur ...

Lecture plaisante et rapide, mais certainement pas indispensable ni, comme j'ai pu le lire, "un des meilleurs Nothomb si pas le meilleur". "Une forme de vie" est loin derrière des chefs-d'œuvres tels que "Hygiène de l'assassin", "Péplum" ou "Stupeurs et tremblements".

Un phénomène qui se reproduit d'année en année : est-ce la qualité littéraire d'Amélie Nothomb qui s'appauvrit, ou est-ce le monde qui n'est plus guère étonné, comme on a pu l'être pendant les premières années ? Mystère. En attendant, je m'en vais relire mes préférés, les savourer avec une pointe de nostalgie ...

9 septembre 2010

Moka , Tatiana de Rosnay

Une petite chronique pour ce roman, lu (dévoré !) en vacances.

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Justine mène une vie tranquille, entre son job de traductrice, son mari et ses deux enfants. Jusqu'à ce mercredi où un chauffard renverse son fils Malcolm et prend la fuite, au volant d'une Mercedes couleur moka. Malcolm sombre dans le coma et Justine, d'abord tétanisée de douleur, prend ensuite elle-même l'enquête en charge, poursuivant inlassablement celui qui a fait basculer sa vie. Son combat la dévore et l'éloigne du reste de sa famille.

Ce roman m'a happée de la première à la dernière page : le rythme est soutenu, l'histoire palpitante et surtout garnie d'une galerie de personnages très attachants (à commencer par la belle-mère anglaise de Justine). On la suit dans son enquête, le coeur battant. Elle va loin, se met en danger,et le rythme de l'histoire ne faiblit pas.

Un très beau roman !

5 septembre 2010

Classe à part, Joanne Harris

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Julien, enfant de la classe moyenne, rêve d'échapper à son monde brutal pour entrer au prestigieux collège de Saint-Oswald, dont son père est le concierge. Petit à petit, il s'infiltre dans le collège, se fondant dans la masse des élèves, où il rencontre Léon, qui deviendra son ami. Cette amitié étrange et destructrice se terminera par un drame et, vingt ans plus tard, Julien revient à St-Oswald en tant que professeur, bardé de faux diplômes. Il met en place sa vengeance pour faire tomber les autres profs, un à un, ainsi que la réputation e l'école, grâce à une machination diabolique soigneusement préparée.

Une fois entrée dans ce roman, impossible de le lâcher ! Les chapitres, illustrés chacun d'une pièce de jeu d'échec, alternent les points de vue de Julien qui raconte à la fois son enfance et son infiltration à St-Oswald, et celui d'un vieux professeur de latin, bougon et attachant, témoin du passé et du présent, des souvenirs de Julien et de l'étrange entreprise de destruction de l'école entamée par un mystérieux personnage. Le suspense vient du fait que, pour ce qui est du temps présent, il est impossible de deviner qui est Julien, parmi l'équipe des professeurs.

Les événements et les catastrophes s'enchaînent, et le lecteur passe de suppositions en suspicions, guidé par le témoin qu'est le vieux professeur, Roy Straitley.

Si je vous dis que j'ai terminé ce roman, par ailleurs, très bien écrit, à trois heures du matin, cela vous donne une idée : rares sont les livres qui accrochent à ce point, tout en laissant une impression de futur "classique de ma bibliothèque, que je relirai plusieurs fois". 

Un petit regret de rien du tout : les citations latines de Roy Straitley, pour la plupart de joyeuses injures ou piques lancées envers ses collègues, ne sont jamais traduites ! Une frustration pour le lecteur non latiniste.

La fin est tout simplement renversante, je crois même avoir poussé une exclamation tout haut (toujours à trois heures du matin). A lire, donc, pour passer un excellent moment de lecture !

"Je ne dois pas m'endormir sur mes lauriers pourtant. si ma couverture paraît solide, le moindre faux pas pourrait mener à un désastre. (...)
Je me méfie aussi de Roy Straitley. Ni le proviseur, ni Mat ni Strange ne m'ont accordé un second regard mais pour Straitley c'est différent. Il a l'oeil aussi vigilant et l'esprit aussi alerte qu'il y a quinze ans. (...).

Bien sûr, il a vieilli. proche de la retraite maintenant sans doute, pourtant il n'a pas changé. Toujours les mêmes manières un peu affectées, la toge, la veste de tweed, les citations latines. Pour lui, aujourd'hui, je me suis presque senti de l'affection, comme celle que j'aurais ressentie pour un vieil oncle que je n'aurais pas revu depuis des années. Mais, derrière son déguisement, je le reconnais, même si lui ne me reconnaît pas. Je sais qu'il est mon ennemi.

J'avais cru qu'à mon arrivée j'aurais appris qu'il était parti en retraite. D'une certaine façon, cela m'aurait facilité les choses, mais après aujourd'hui, sa présence m'a mis le coeur en joie. Elle ne fait qu'ajouter du piquant à une situation qui me plaît déjà beaucoup. D'ailleurs, le jour où Saint-oswald tombera sous ma main, je veux que Roy Straitley en soit témoin".

23 août 2010

L'amour est à la lettre A, Paola Calvetti

amoura
Emma a ouvert une belle petite librairie, où l'on ne trouve que des romans d'amour, classés en rayons sous des intitulés comme "amours impossibles" ou "pour l'éternité". Atmosphère intime, café-librairie, le concept attire et Emma voit bientôt son projet couronné de succès.

Un jour, son amour de jeunesse, Federico, pousse la porte ... et c'est le début d'une correspondance entre les deux anciens amants. Emma est divorcé, lui est marié, et ce qui n'est au début qu'un échange de souvenirs se transforme bientôt en amour ravivé.

Ce livre est charmant à bien des points de vue : d'abord au niveau de la librairie d'Emma, une belle idée, puis des réflexions sur la lecture, des idées et références littéraires que j'ai pu y glaner. Le style n'est pas entièrement épistolaire, heureusement, entre les lettres échangées nous suivons Emma et la vie de la librairie.

J'ai adoré ce passage, réflexion d'Emma, totalement réfractaire à Internet, aux portables, aux SMS et à toute forme de technologie :

"Internet envahit nos existences sans la moindre pudeur, en prétendant apporter des réponses à toutes les questions possibles. Même les plus impertinentes. Nous y sommes fichés, archivés, notre vie est à la disposition des curieux, et des fouineurs. Internet pousse à l'approximation, chercher dans les pages dune encyclopédie est largement plus instructif. Savoir qu'on a toute la connaissance humaine dans le boîtier de son ordinateur rend forcément superficiel et paresseux. J'ai sué sur des dictionnaires pour apprendre les langues étrangères, et voilà  qu'on prétend utiliser des traducteurs automatiques, qui contraignent les mots à des métamorphoses forcées. Inertes, les pauvres mots se taisent, alors qu'ils devraient crier, se défendre, protéger leur intégrité. Sur Internet règne un anglais approximatif, et le résultat est que Mattia, et avec lui une génération entière de cancres, se sent autorisé à mélanger anglicismes et acronymes. Un mot charnu et soyeux comme câlin, se hérisse en KL1; l'amour se recroqueville dans ce métallique jtm qu'ils écrivent à n'importe qui, sans aucune idée de ce qui les engage ainsi auprès d'une multitude de personnes. "

Utilisatrice quotidienne d'Internet, auteur de ce blog, convaincue des multiples avantages d'Internet, je ne peux m'empêcher d'être, en même temps, totalement d'accord avec cet extrait.

Le roman est donc plaisant à lire, même j'ai trouvé les lettres de Feredico un brin ennuyeuses (trop pleines d'architecture, sa passion). L'histoire est un peu tirée en longueur. En fait, il est bien plus intéressant de lire ce roman pour les réflexions sur la lecture, l'histoire de la librairie d'Emma et les idées de lecture, que pour l'histoire d'amour, qui ne m'a que peu touchée.

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23 août 2010

C'est la fin des vacances ....

Et j'ai beaucoup lu !

A venir, donc, les critiques de :


classe

amouramokaboomerangreves

6 août 2010

L'éducation d'une fée, Didier van Cauwelaert

f_e
J'avais lu quelques livres du Monsieur. J'avais bien aimé. Il me semblait que celui-ci était plus ou moins un classique de sa bibliographie. Je l'ai vu passer sous mon nez au boulot et hop, je l'ai mis dans mon sac.

J'ai adoré le premier chapitre. Le deuxième. Et puis, patatras.

Ce livre commence bien : le héros "tombe amoureux de deux personnes en même temps", d'une jolie veuve (Ingrid) et de son petit garçon (Raoul, trop chou). Le coup de foudre est réciproque, miracle. Et voilà notre héros en papa et mari/amant/amoureux modèle. Le rêve ...

En parallèle, on suit César, une jeune caissière d'origine irakienne, qui a craqué sur notre héros et son contenu de caddie, toujours plus farfelu de jour en jour. Elle est un peu paumée dans cette France qu'elle a rêvée différente de celle de la cité où elle a atterri.

Et puis, Ingrid veut quitter notre héros. Pourquoi ? parce qu'elle l'aime. Parce qu'il est un papa merveilleux pour son fils. C'est là que j'ai décroché. Ce revirement de situation, expliqué de façon floue, autant par le héros que par Ingrid elle-même, n'a absolument aucun sens. Ou alors, c'est censé être poétique ? Pourquoi ? Que de prises de tête pour rien ! J'avoue honteusement avoir lu les trois quarts du livre et puis l'avoir abandonné, énervée.
Donc je ne sais même pas comment tout cela finit.

Il y a des livres comme ça ...

4 août 2010

Un oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke

oiseau2Gros, gros coup de coeur pour ce roman !

Kat a 16 ans et sa mère, femme au foyer dans une banlieue américaine, disparaît du jour au lendemain, la laissant seule avec son père. Femme froide, distante et parfois cruelle, la mère de Kat est un personnage fascinant.

"En vérité, ma mère a disparu vingt ans avant le jour où elle est réellement partie. Elle s'est installée dans la banlieue avec un mari. Elle a eu un enfant. Elle a vieilli un peu plus chaque jour - de cette façon qu'ont les épouses et les mères d'âge moyen d'être de moins en moins visibles à l'oeil nu. Vous levez peut-être les yeux de votre magazine quand elle entre dans la salle d'attente du dentiste, mais elle est en fait transparente."

Kat retrace son enfance où elle était alors "le petit animal de compagnie" de sa mère, le couple qu'elle formait avec son père, son mépris pour cette homme, la distance qui s'établit entre eux. Les mois puis les années passent, sans aucune nouvelle. Kat grandit, vit sa vie, s'affranchit du souvenir de cette mère évaporée et évanescente, jusqu'au jour où ...


L'écriture de Laura Kasischke est extraordinaire. Poète aux USA, son style est empreint d'une délicatesse et d'une pureté incroyables. Tout en restant terre à terre, car le lecteur ne décroche jamais de sa prose limpide, elle manie à la perfection le sens du suspense. J'ai littéralement dévoré ce roman jusqu'à la dernière ligne, sachant déjà qu'il ferait partie de ces quelques livres qu'on a du plaisir à relire, juste pour les savourer.

"J'ai seize ans lorsque ma mère se glisse hors de sa peau par un après-midi glacé de janvier - elle devient un être pur et désincarné, entouré d'atomes brillants comme de microscopiques éclats de diamant, accompagné, peut-être, par le tintement d'une cloche, ou par quelques notes claires de flûte dans le lointain - et disparaît. Personne ne la voit s'en aller, mais elle est bel et bien partie. (...)

Elle gardait notre maison dans un état de propreté et de stérilité qui aurait pu rivaliser avec l'esprit de l'hiver lui-même ; alors peut-être a-t-elle tout simplement fini par s'épousseter elle-même, en un nuage lumineux qui s'est envolé par la fenêtre de la chambre, un nuage fait d'une poudre douce comme le talc, qui s'est mélangé avec les flocons qui tombaient, avec la poussière céleste et les cendres lunaires qui flottaient au loin"


Le lecteur sent le désastre approcher, le secret sous la façade, les tensions. Tout va crescendo. J'ai vraiment adoré ce livre. Déjà avec "La couronne verte", j'étais très emballée, mais avec celui-ci je n'ai qu'une envie, courir à la librairie acheter l'oeuvre complète de Laura Kasischke (et pourtant j'avais détesté "A moi pour toujours" ...).

A conseiller vivement, mais attention, car après les autres livres semblent vides et fades ...

2 août 2010

Nage libre, Nicola Keegan

nagePhilomena est, depuis toujours, beaucoup plus à l'aise dans l'eau que sur la terre ferme. Issue d'une famille où tout se déglingue doucement, entre la mort d'une de ses soeurs, puis celle de son père et enfin la dépression de sa mère, la jeune fille se réfugie dans la natation, qui l'obsède. De cours en compétitions, elle est remarquée par un célèbre entraîneur et devient l'espoir olympique de l'Amérique. Enchaînant les médailles d'or, Philomena doit aussi gérer sa famille, son adolescence, les rivalités avec les autres nageuses, et l'amour.

J'avais remarqué ce livre sur plusieurs blogs littéraires et les critiques étaient unanimes ... Je me suis donc lancée dans cette lecture, persuadée que moi aussi je ressentirais une grande empathie pour Philomena, que j'adorerais le personnage et que ce livre, j'allais le mettre en évidence dans ma bibliothèque, le lire et le relire.

Et bien, pour tout vous dire, je suis plutôt mitigée. L'histoire est intéressante, les personnages sont fouillés et celui de Philomena n'est pas antipathique, pourtant ... Pourtant, elle m'a souvent exaspérée, je l'ai trouvée froide, dure, pas toujours facile à suivre. L'écriture de l'auteur ne l'est pas non plus, facile à suivre. Le style est assez particulier, une voix originale, des dialogues sous forme d'italiques, une prose qui file comme une flèche, mordante et énergique ... de l'humour aussi, malgré les malheurs qui s'abattent sur la famille de l'héroïne...  Je n'ai pourtant pas songé à abandonner ma lecture, mais je n'en suis pas sortie enchantée non plus. J'ai souvent lu un peu "de loin", en pensant à autre chose.

Je dirais donc que ce roman est une lecture agréable, mais je ne rejoins pas le clan des blogueuses dithyrambiques (Cuneipage en dit beaucoup beaucoup de bien ici, de même que Amanda).

Un extrait :

« Chaque être humain traverse une phase critique lors de laquelle il se comporte en connard fini – à l’exception notable des connards à temps plein, les connards professionnels. Je suis devenue une connasse de première catégorie, ce que j’ignore encore tant la connerie émousse toute autocensure, toute empathie, toute faculté d’admettre que l’on se ment à soi-même. Je snobe des gens que je connais parfaitement, tourne le dos à des choses qui me sont pourtant essentielles, prétends jouir d’objets rares que je ne possède pas, fais mine d’avoir radicalement changé en restant exactement la même. »

25 juillet 2010

La Couronne verte, Laura Kasischke

couronne
Anne, Michelle et Teri, trois adolescentes américaines, partent pour la première fois loin de chez elles, au Mexique, pour le "Spring break", rituel américain des vacances de printemps. Elles sont logées à l'hôtel, qui grouille de jeunes venus profiter de leur liberté, se saoûler d'alcool et de soleil, faire la fête à en perdre conscience. Teri les délaisse bientôt pour se joindre à la mêlée, tandis qu'Anne et Michelle veulent partir à l'aventure, au-delà de l'hôtel. Elles décident de suivre un inconnu leur proposant une visite dans un temple maya ... pour leur plus grand malheur.


Les chapitres, courts, font alterner le "Je" de Anne et le point de vue de Michelle, à distance. Anne raconte les faits, les détails, de manière objective, tandis que la narration pour Michelle est poétique, empreinte de mystère, comme si les deux amies n'étaient déjà plus à égalité. Anne reste sur terre, tandis que Michelle fonce dans son "aventure" et y voit une expérience presque mystique. La troisième, Terri, représente la masse des autres ados, ceux venus s'amuser, se défoncer, une ombre floue qui boit, danse, s'expose trop au soleil et s'effrondre sur son lit inconsciente. Anne et Michelle veulent plus que cela. Entourées de conseils de prudences par leurs mères, elles font tout le contraire : oublient leur crème solaire sous la brûlure du Mexique et surtout acceptent de suivre un inconnu dans la jungle.

"Il avait suffi de quelques heures de voyage, mais l'idée que le monde était petit, qu'elles pouvaient rentrer chez elles en un clin d'oeil, n'était qu'une impression trompeuse. Elles étaient très loin de chez elles. (...) Ce ciel et cette mer ne servaient pas uniquement de décor à l'Hôtel del Sol. Ils ne faisaient pas qu'offrir une plage où jouer au volley à des bandes de jeunes Américains. Ils constituaient un enchaînement de mystères formidables. ils existaient bien avant tout le reste et perdureraient après le départ des touristes. (...) Sans électricité ni personne alentour, il était possible de s'imaginer en aventurière foulant ces terres pour la première fois, se dit Michelle. Seule au milieu de la péninsule du Yacatan, perdue dans la jungle bruissante d'animaux, dans le noir le plus complet, au bord de cette grande énigme -jusqu'à ce que la lumière réapparaisse, se fasse de plus en plus intense, se répande, plus éclatante que jamais".

Le suspense se fait haletant, au fur et à mesure des chapitres où l'on suit les deux jeunes filles, et le drame se profile. Inévitable. Mais quel sera-t-il ? Le lecteur ne peux plus lâcher le livre et frémit avec Anne, tout en pressentant que le danger vient peut-être d'ailleurs.

"Je tentai de me rassurer en me disant que le site serait envahi de touristes en majorité américains. Ander ne nous aurait pas emmenées dans un endroit où tout le monde nous verrait avec lui si ... Anne, t'as trop regardé la télé, pensai-je alors. Anne, n'accepte jamais rien d'un inconnu, susurra ma mère ...".

Puis les événements s'enchaînent, et l'écriture magnifique de l'auteur ne nous en présente aucun détail. On ne saura rien des atrocités subies, il n'y aura pas de scène "du crime". Le mystère restera entier, jusqu'aux toutes dernières pages qui, elles aussi, nous laissent un peu sur notre faim. Mais c'est tellement plus fort ainsi ...

Roman d'apprentissage donc, où les deux héroïnes partent vers l'inconnu dans une joyeuse naïveté et finissent dans un cauchemar, loin des vacances annoncées, loin de leur jeunesse insouciante, "La couronne verte" est un roman magnifique, fort, merveilleusement écrit, qui vous drogue et vous accroche à ses pages jusqu'à la dernière, haletant.

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